Passer de vie à prépa… Tout savoir sur les C.P.G.E. scientifiques

Lorsque ma fille a postulé pour entrer en prépa scientifique, toutes nos connaissances nous ont dit :

« Elle veut aller en prépa ? Mais elle ne va plus avoir de vie ! »

« La prépa c’est l’enfer ! Il faut bosser H24. Plus le temps de dormir et ne parlons même pas des loisirs »

« Elle ne veut quand même pas aller dans cette jungle ! Là bas c’est chacun pour soi et il faut écraser son voisin pour réussir. »

« Elle ne va jamais réussir ! c’est réservé aux premiers de la classe. Elle prend un gros risque ! »

« Elle va être la seule fille ! »

À la suite de toutes ces remarques, j’ai décidé de démêler le vrai du faux et de me renseigner auprès d’Annie, professeur particulier en Maths depuis de nombreuses années et qui accompagne notamment beaucoup d’élèves de terminale souhaitant poursuivre des études scientifiques.

• Bonjour Annie. Alors la prépa, est-ce réellement l’enfer ?
• Bonjour à tous. La prépa véhicule de très nombreuses idées reçues, certaines vraies, d’autres partiellement vraies, mais la majorité sont fausses ! Je connais beaucoup mieux les prépas scientifiques. Je vous propose d’en faire le tour.
• Parfait ! L’idée qui revient le plus souvent c’est qu’entrer en prépa signifie faire une croix sur sa vie. Qu’en pensez-vous ?
• Il est évident que la prépa n’est pas un camp de vacances ! L’étudiant va devoir travailler, BEAUCOUP travailler. Au delà de ses nombreuses heures de cours en classe, il devra fournir un travail personnel régulier et conséquent. Il aura chaque semaine des DM et des DS, plus 2 ou 3 khôlles.
• C’est quoi une khôlle ?
• C’est une interrogation orale. Les élèves de prépa, qui s’appellent des taupins et taupines, appellent cela des khôlle, au lieu de colles.
• Au vu de ce programme difficile de garder une vie sociale !
• Non, cela est complétement faux ! En fait il faut prendre le problème à l’envers. Conserver du temps pour déstresser, pour se ressourcer, pour se détendre, est indispensable pour évacuer la pression et pour arriver à mieux travailler. Donc la question est comment s’organiser pour pouvoir avoir du temps pour soi ? D’ailleurs c’est souvent ceux qui bossent non stop qui finissent par craquer au bout de quelques semaines ou mois.
• Vous voulez dire qu’on peut conserver ses activités extrascolaires ?
• Dans la limite du raisonnable, oui. Continuer à pratiquer son sport favori une à deux fois par semaine est tout à fait possible. En faire 3h par jour tous les jours est par contre exclu ! Les musiciens continueront à jouer. Ceux qui préfèrent les activités culturelles pourront également les conserver dans leur emploi du temps… et c’est ça qui compte : le fait que cela soit inscrit dans l’agenda. Vous vous octroyez 1h de pause le mardi soir par exemple. Une heure et pas 5 !
• Alors, c’est la planification qui compte ?
• Oui tout à fait ! Et donc attention aux passages sur les écrans pour se noyer dans un jeu vidéo, là où le temps semble ne plus exister 😊
• Et qu’est-ce qui est mieux ? De planifier des heures en semaine ou le week-end ?
• Ce qui est le mieux est ce qui convient le mieux à l’étudiant. Chacun est différent. Certains préfèrent aller courir une demi heure à la fin de la journée pour décompresser avant de se mettre au travail, d’autres préfèrent réserver un jour de leur week-end pour faire des compétitions sportives ou pour sortir avec ses amis…Par contre ce qu’il faut absolument traquer ce sont les moments perdus inutilement.
• À quoi pensez-vous ?
• En premier, aux temps de transport. Mieux vaut réduire ce temps au minimum. Outre le temps perdu cela génère également de la fatigue. Si c’est possible il faut privilégier l’internat, sinon un internat externé est idéal.
• Pourquoi un internat externé ?
• Parce que dans ce cas les repas sont prévus. Et donc pas besoin de cuisiner tous les jours, de faire les courses, la vaisselle,… bref cela permet de faire autre chose à la place. Par exemple augmenter un peu ses heures de sommeil. Car le cerveau a besoin de ce temps essentiel. C’est durant le repos que les connexions neuronales sont consolidées et que le cerveau est nettoyé des déchets et toxines accumulés au cours de la journée. Mais être en internat ou internat externé a un autre avantage : pouvoir travailler à plusieurs.
• Ah bon ! Je pensais que la prépa était un univers de concurrence, une zone de chacun pour soi ?
• Non c’est faux ! C’était peut-être comme cela il y a 40 ans, et encore. Lorsque j’étais moi-même en prépa il y a 37 ans on s’entraidait déjà. En fait à part un très petit nombre d’établissements où l’ambiance n’est pas au partage, les étudiants travaillent ensemble. Déjà au sein de la classe, mais aussi lors de travail en groupe. Ensuite les colles se passent en trinômes qui perdurent tout le semestre. Et les TP sont faits en binôme. Les élèves se préparent avec les autres, et pas contre les autres. Et, au final, à travers toutes ces « galères » ils tissent des liens souvent très forts.
• Mais chaque élève se prépare pour passer un concours et gagner ?
• Oui, c’est un peu comme dans un club de sport. Vous avez des partenaires d’entrainements qui deviennent des compétiteurs lors des tournois, mais qui ne sont pas des concurrents. Vous allez les encourager lorsqu’ils feront leur match. Vous ne leur donnerez pas de faux conseils juste pour qu’ils se plantent et que vous ayez une chance de gagner.
• Ah ! je ne voyais pas ça comme cela. Alors qu’est-ce qui permet de réussir ?
• Je dirais en premier qu’il faut aimer les matières que l’on étudie. Si vous n’aimez pas les maths, vous aurez du mal à en faire pendant 12 heures minimum par semaine ! Il faut également accepter l’effort qu’il va falloir fournir.
• Et avoir un très bon dossier ?
• Contrairement à ce que l’on croit, la prépa n’est pas réservée uniquement aux premiers de la classe. Il existe par exemple des prépas dites de proximité qui permettent à des élèves de niveau moyen de réussir. Les effectifs y sont réduits (20 à 25 élèves) et les étudiants sont suivis individuellement. Voici quelques stats : 30% des élèves de prépas sont boursiers et 30% n’ont pas eu de mention bien ou très bien au bac !
• Mais alors quelle prépa choisir ?
• En premier il faut choisir la prépa qui correspond aux spécialités qu’on aime. Il existe 8 classes de prépas scientifiques différentes en 1^ère année en fonction des matières étudiées et de leur volume horaire. Mais chacune ont en commun un grand nombre d’heures de Maths. Ensuite, je pense que l’environnement compte beaucoup dans la réussite, et pas uniquement la réputation de la prépa.
• Mais dans certaines prépas on bosse plus que dans d’autres ?
• Encore une idée reçue ! Le programme des prépas est national. Donc on y fait partout la même chose. Mais le rythme peut y être différent. Dans certaines prépas on fait en 1 semestre le programme de 1^ère année pour pouvoir commencer la 2^ème année plus tôt et avoir ensuite plus de temps pour réviser et travailler sur les annales. Encore faut-il être capable de suivre ce rythme. Là aussi cela dépend de l’élève, de son niveau et de la façon dont il travaille.
• Et vous pensez que les élèves s’épanouissent en ne faisant que des maths et de la physique ?
• C’est un peu réducteur ce que vous dites là ! En matières scientifiques, il y a effectivement des maths, de la physique, mais également de la chimie, de l’info, des sciences de l’ingénieur, de la bio suivant la filière choisie. Mais d’autres matières, certes avec un volume horaire plus faible, font partie de l’emploi du temps comme les langues vivantes, le français philo, l’EPS. C’est souvent sur les langues et le français que la différence se fait au concours, car tous les candidats à un même concours ont à peu près le même niveau en matières scientifiques.
• Justement parlons des concours. C’est quand même risqué de tout miser sur des épreuves !
• Je ne suis pas d’accord. Les concours ont plutôt un rôle de répartition et pas de sélection. En effet, chaque année environ 2 000 places en école d’ingénieur restent vacantes, faute de suffisamment de candidats. Si l’étudiant travaille correctement durant les deux années de prépa et qu’il choisit de s’inscrire aux concours de son niveau, il est pratiquement assuré d’accéder à une école d’ingénieur. Ensuite, il existe des partenariats entre les universités et les classes prépas. Chaque étudiant est inscrit en parallèle de la prépa en licence et il valide des ECTS. Il peut donc ensuite continuer en fac s’il le souhaite. D’après les stats 99% des élèves entrés en prépa obtiennent un titre de niveau bac + 5 soit via une école d’ingénieur, soit via un master. De plus, durant ces deux années, l’élève aura appris bien plus que des maths et de la physique : des méthodes de travail et des capacités de raisonnement qui serviront tout au long de la vie.
• Mais cette voie est faite pour les garçons.
• Ah bon ? et pourquoi ? Les filles ont tout à fait leur place en classes prépas scientifiques. D’ailleurs en prépa BCPST les filles sont largement majoritaires, avec environ 70% de filles. En PC on est presque à l’équilibre avec environ 40%, et on tombe à 30% en MP.
• C’est quoi toutes ces lettres ?
• Ah ! C’est pour les initiés 😊. Partez à la découverte du mystère de ces lettres et des différentes classes prépas scientifiques de 1^ère année. (lien ancre : https://mathswinners.fr/tout-savoir-sur-les-c-p-g-e-scientifiques/#1annee)
• Ok, alors ma fille pourrait faire prépa. Mais la prépa c’est cher ?
• Alors là je ne comprends pas d’où vient cette affirmation. 90% des prépas sont des classes dans des lycées publics et donc c’est gratuit ! enfin presque. Il faut juste payer l’inscription en fac, avec le partenariat et la possibilité d’équivalence, soit 170 € plus 92 € de contribution vie étudiante et de campus (CVEC). À cela il faut ajouter le logement et la nourriture, mais ce coût est le même quelles que soient les études envisagées ! Seule l’inscription au concours en fin de 2^ème année peut revenir chère suivant le nombre de concours passés et le nombre d’écoles choisies.
• Décidément je connaissais mal ce cursus. Puis-je vous demander pourquoi connaissez-vous si bien ces parcours ?
• Comme je vous l’ai déjà dit, je suis moi-même passée par ce système il y a de nombreuses années, avant de poursuivre en école d’ingénieur. Ensuite deux de mes enfants ont également fait une prépa récemment, dont un en prépa de proximité. L’un a continué en école d’ingénieur, l’autre a choisi de rejoindre la fac pour y poursuivre des études en Maths. J’ai également souvent des demandes d’informations de la part d’élèves de terminale que j’accompagne en Maths. Donc je me renseigne et je me tiens à jour. Si vous souhaitez plus de détail sur ces formations, j’ai écrit un article pour Anne de L’Atelier Marque-Page (lien : https://lateliermarquepage.com/les-classes-preparatoires-aux-ecoles-d-ingenieurs/) et un plus détaillé sur mon blog : Tout savoir sur les CPGE scientifiques (lien : https://mathswinners.fr/tout-savoir-sur-les-c-p-g-e-scientifiques/).
• Merci pour toutes ces précisions.
• Merci à vous de m’avoir permis, je l’espère, de contribuer à lutter contre ces idées reçues souvent infondées.